« On manque de modernité dans les outils supply chain. »

Interview de Grégory Debuchy, Directeur Supply Chain Ferrero France
Interview de Grégory Debuchy, Directeur Supply Chain Ferrero France

La Supply Chain de Ferrero France c’est 170 personnes, 1,4 Md d’euros de chiffre d’affaires et près de 800 000 palettes par an de chocolat Nutella, Kinder…

Nous avons eu envie de rencontrer le directeur Supply Chain France, Gregory Debuchy, afin de savoir comment il a affronté la crise sanitaire.

Quel a été LE plus gros défi que vous ayez dû affronter depuis le début de la crise sanitaire ?

Sans doute la communication avec les clients et avec les usines. Il y a une grande enquête d’opinion AG performance qui circule en permanence sur les 25 plus gros fournisseurs, avec 8 thèmes récurrents, dont deux thèmes sur la supply chain : le service client et la supply chain en elle-même.

Nous sommes fondamentalement organisés pour être réactifs aux demandes de nos clients et c’est grâce à cet ADN que nous avons obtenu les deux premières places dans ce classement.

Notre Supply Chain a été plus résiliente que les autres pour deux raisons :

  • Notre customer service qui a pour mission de trouver des solutions, de proposer des substitutions, etc…
  • La mise en place d’une War Room : des séances quotidiennes de trois heures, où l’on imagine le pire et où l’on développe ensuite des réponses adaptées.

Qu’est-ce que cette crise aura changé pour vous ? Comment s’adapter au monde post-covid ?

Pour les distributeurs, les pratiques d’achat sont revenues au mode avant-crise. Pourtant de notre côté, nous sommes toujours sous contraintes sanitaires avec un niveau de production perturbé (distanciation sociale, limite d’accès au site, télétravail …) au niveau de la production mais aussi dans les équipes logistiques.

Le retour à la normale, nous le voyons vers le mois de septembre 2021. Évidemment cela ne sera plus comme avant. Il nous faudra évaluer et mesurer si les comportements de consommation qui ont fortement évolué depuis le début de la pandémie, retrouvent leur tendance naturelle : nous avons par exemple observé -45% de ventes sur les Tic Tac et +45% sur le Nutella. Pas simple d’adapter la production et les usines !

Dans la même veine, on note également un changement des canaux de consommation : les restaurants sont fermés et on observe donc une augmentation de la consommation en supermarché et en drive.

La croissance du e-commerce reste encore marginale en France mais dans certains pays comme en Chine par exemple ça explose.

« Le retour à la normale, nous le voyons vers le mois de septembre 2021 »

Comment voyez-vous le progrès des Supply Chain dans les années à venir ?

Je pense que beaucoup d’entreprises vont se poser la question de leur process S&OP dans les prochaines années.

J’ai accès au benchmark de taux de service de l’ILEC (une fédération rassemblant le top 30 des industriels de marques nationales) et j’ai vraiment pu mesurer une situation très dégradée au global de l’industrie. Chez Ferrero au moment le plus dur de cette crise, nous avons chuté à 92% de OTIF mais en comparaison des autres marques, cela reste très honorable. Les autres marques étaient à 85% en mars avril et mai. Nous sommes depuis remontés à 98% en gardant notre avance.

Je pense donc que toutes les entreprises du FMCG vont devoir repenser leur niveaux de stock de sécurité, leur PCA (Plan de continuité d’activité) et effectuer une refonte des process S&OP. J’ai d’ailleurs démarré un assessment de notre process S&OP interne chez Ferrero.

Au-delà de la crise, il nous faut aller encore plus loin : nous savons prévoir une cannibalisation sur les produits proches de notre gamme interne. Prochaine étape : capturer ces facteurs exogènes pour les marques concurrentes.

De quels outils software la Supply Chain a-t-elle le plus besoin ?

Je dirais que les outils d’IBP (Integrated Business Planning) sont des outils très compliqués et les équipes les maîtrisent difficilement. J’aimerais une simplification de ces outils.

Et il y a encore trop de boites noires : on touche un paramètre et on ne maitrise pas le résultat qui ressort. Il n’y a pas non plus de corrélation nette entre les résultats.

Quelle innovation recommanderiez-vous à vos confrères de suivre de près ?

Je recommanderais sûrement de s’intéresser aux activités logistiques de picking robotisé, ou les drones d’inventaires, par exemple… Cela donne une image de modernité pour attirer des talents.

Que demanderiez-vous aux innovateurs de créer comme invention ?

Qu’ils me prédisent à l’unité près ce que l’on va vendre demain ! Nous avons un service de recherche chez Ferrero qui a dépensé une fortune auprès d’un très grand cabinet de conseil pour entendre que la consommation dans les 3 années à venir allait évoluer entre +5% et -5% … je pense que notre métier mérite mieux en termes d’étude et de qualité de prévisions !


Replay de notre webinar "Comment transformer votre prévision en une prévision orientée business ?"