Le podcast Supply Chain : tous les numéros

Chaque semaine, nous répondons à vos questions concernant la gestion de sa Supply Chain face au Coronavirus !

Posez-nous vos questions ici

#001 : Optimiser en confinement et préparer la reprise

Comment optimiser le fonctionnement de la SC en période de confinement (activités essentielles retail, maintenance des réseaux, santé) ?

Les difficultés de la période sont les suivantes :

  • incertitudes sur les lead times fournisseurs;
  • évolution forte de la structure de la demande, les historiques sont peu instructifs sur les tendances
  • personnels moins disponibles, plus fatigués et doivent adopter des mesures de protection individuelles ce qui provoque ralentissement des opérations

 

Optimiser est très utile pour assurer la continuité d’activité dans ce contexte. Les axes d’optimisation :
On pourra s’appuyer sur une bonne communication, et sur les data, c’est le moment d’être data-driven ! Soit je suis prêt et c’est super, soit je ne le suis pas mais pas de panique : il est possible d’accélérer sur ces sujets même en confinement, c’est le moment de mobiliser les équipes sur des quick wins.

 

  • Collaborer en continu avec les fournisseurs, pour se donner de la visibilité et en recevoir.
  • Partager des prévisions de commande avec des marges d’erreur pour maximiser les chances d’avoir le stock nécessaire.
  • Utiliser les données de terrain pour scruter l’évolution de la demande avec la progression de l’épidémie, l’avancement de la saison, etc. Travailler sur base de scénarios sur un niveau macro et utiliser les données et des algorithmes pour calculer au niveau le plus fin.
  • Collaborer constamment avec le terrain. Mettre en place des échanges directs entre les équipes d’approvisionnement et les personnels sur le terrain pour capter toutes les situations

 

Comment préparer la reprise d’activité pour les SC qui se sont arrêtées (retail non essentiel, restauration, automobile)

1 scénarios

  • Faire des scénarios et les évaluer, les partager avec les fournisseurs, prendre en compte les contraintes de cash.
  • Moins de cash disponible pour acheter du stock frais oblige à maximiser le nombre de ventes avec le stock qu’on détient déjà. Ceci, mêlé à une incertitude sur la reprise, pousse à garder le stock le plus haut possible dans la chaîne et évacuer le stock non-prioritaire pour faire de la place – personne ne vous reprochera de dégrader le compte de résultat cette année.

 

2 préparation logistique

  • Préparer l’entrepôt pour être efficace dans les opérations et préparer le picking en fonction des familles de produits.
  • Se préparer à des transports moins efficaces et désorganisés.

 

3 préparation des commandes d’approvisionnement

  • Structure de la demande :
    – La saisonnalité sera différente de la normale, entre les jours de la semaine, mais aussi par rapport au contexte.
    – Il y aura des ventes de rattrapage : achats nécessaires qui n’ont pas pu se faire pendant le confinement.
    – On observera des achats boostés, liés à plus de présence à la maison : pièces d’usure, appareils en panne.
    – Les consommateurs auront probablement un peu moins de cash : les familles ont dépensé plus pour l’alimentaire, et les revenus ont baissé avec l’activité partielle.
    – Travailler en priorités « vision client » plus qu’en priorités « CA/ marge »
  • Cela va occuper énormément les équipes, automatiser tout ce qui peut l’être.

#002 : Les données en temps de crise et les enseignements à tirer

Dans un univers retail, pour établir des prédictions de ventes précises il peut être utile de mixer des données propres à l’entreprise avec des times series externes. Est-ce pertinent de mixer autant de données ? Quelle méthode d’intégration et d’analyse des données doit être utilisée pour obtenir des résultats probants ?

Comme nous l’avons évoqué dans le précédent podcast, l’un des enjeux actuels est de travailler au niveau macroscopique, et de laisser les algorithmes calculer la demande au niveau le plus fin.

Evidemment, la demande enregistrée actuellement n’est pas représentative de celle qui aura lieu à la fin du confinement. De plus, pour les entreprises qui sont fermées, il n’y a simplement pas de demande enregistrée. Il faut donc en effet se servir des trends historiques de saisonnalité, et les mixer avec des informations externes donc la plus importante est aujourd’hui la période de déconfinement et de reprise d’activité.

La bonne façon de faire est d’abord de sources les données externes. Le gouvernement a mis à disposition des bases de données publiques et maintenues.

Pour intégrer ces données, il faut procéder de façon itérative en commençant par des data fiables, stables, historiquement utilisées comme les sorties de caisse par exemple. On vient ensuite y ajouter progressivement, les unes après les autres, les données exogènes de contexte. Pour évaluer ses prévisions, on regarde si on est capable de prévoir ce qu’il s’est passé hier, et si c’est le cas, on sera peut-être capables de prévoir le futur.

Quoi qu’il en soit, la supervision humaine reste primordiale en cette période au niveau macroscopique et sur le sourcing de nouvelles données et de leur intégration.

 

Quel est le principal enseignement de cette crise pour les organisations Supply Chain ?

Le principal enseignement est le même que celui qui s’applique à la société en général : le risque majeur existe bel et bien, et il se produit (avec une ampleur inédite en ce moment). A moindre mesure, des problèmes semblables se sont produits régulièrement depuis quelques années (SRAS, H1N1, H5N1, Ebola). Ce à quoi il faut ajouter les tensions internationales, les taxes douanières, la stabilité politique locales, les événements naturels, les manifestations, etc. Bref, le risque d’interruption de la Supply Chain est réel et omniprésent.

Il est donc critique d’intégrer une gestion du risque au sein des organisations Supply Chain. Cette entité de gestion du risque doit fonctionner par « stress tests ». Que se passe-t-il si mon entrepôt ferme pendant plusieurs semaines ? Si mon principal fournisseur ne peut plus m’approvisionner ? Si il y a des incapacités de transport ?

On doit inclure des calculs de « grande déviation » : des événements assez rares mais qui ont un impact colossal. Une bonne pratique est d’intégrer le « prix du risque » aux achats, au même titre que le transport ou les taxes. Pour cela, on doit s’appuyer sur des simulations fines de différents scénarios.

Le principal enseignement est donc la prise en compte du risque. Cela amènera les Supply Chains à se raccourcir, et les coûts vont inévitablement augmenter. Un autre enseignement serait donc la maîtrise des coûts opérationnels, en utilisant la digitalisation et l’automatisation, et de former les équipes pour qu’elles soient toujours plus performantes.

#003 : Les degrés d'automatisation et impacts de la crise sur la productivité

Quels sont les différents degrés d’automatisation des approvisionnements ?

Nous avons identifié 4 différents degrés d’automatisation.

Le premier degré est purement réactif et manuel. On compile les besoins référence par référence et site par site, puis on commande les quantités compilées. C’est un process très basique qui permet à un certain nombre d’organisations de fonctionner mais qui n’est pas viable à grande échelle.

Le deuxième degré réside encore principalement sur un travail humain. On va ici simuler une prévision de la demande basique en appliquant des formules simples, comme par exemple la moyenne des ventes de quatre dernières semaines, à la quelle on appliquera un coefficient de saisonnalité. Les commandes sont ensuite envoyées aux fournisseurs par mail le plus souvent. Bien qu’un peu plus poussée, cette méthode est soumise aux mêmes limites que celle que nous avons évoqué en premier, à savoir : impossible à passer à l’échelle et conditionnée par un fort effort humain.

Ce sont là des processus créant une certaine pénibilité dans le travail des équipes, qui les exposent à des erreurs de fatigue, et qui reposent sur leur présence (comment faire en cas de maladie ou de congés ?).

Avec le troisième degré, on accède véritablement à l’automatisation. Ici, les commandes sont calculées automatiquement par un système de type ERP. Celles-ci se basent sur des prévisions de ventes résultant de formules plutôt simples comme celle que nous avons déjà citée, et parfois de modèles plus avancés comme le lissage exponentiel ou ARIMA. Les commandes peuvent être vérifiée, modifiées et validées par l’humain avant d’êtres transmises aux fournisseurs par EDI par exemple.
Cette méthode reste soumise à quelques obstacles puisqu’elle se base elle aussi sur le passé et n’anticipe pas les variations de la demande. De plus, elle peut ne pas autoriser une modification en masse des propositions de commandes, ce qui oblige à passer par un autre outil de type tableur. Enfin, beaucoup de données ne sont pas prises en compte, comme le lead-time des fournisseurs par exemple, ce qui crée des plafonds de verre dans la performance restituée.

Ce qui nous amène au quatrième degré. Rappelons avant tout les objectifs de l’automatisation.
On recherche un minimum de travail humain sur les actions où il n’a pas de valeur ajoutée et peut se contenter de superviser et de piloter de manière macroscopique. Le système se charge du détail.
On veut aussi un système capable de réellement anticiper. D’un point de vue Supply Chain, la période actuelle n’est évidemment pas représentative de celle qui suivra le déconfinement. En dehors de ce contexte particulier, cette problématique se pose lors de congés scolaires, des jours fériés, mais aussi beaucoup d’autres données socio-démographiques qui forment les données exogènes. La prise en compte de ces données permet de casser le plafond de verre de la performance.

Pour y arriver, on doit mettre de l’intelligence dans le système. Pour cela, on a besoin de 4 ingrédients :

  • Premièrement, la donnée. Aujourd’hui, la majorité des entreprises a des données disponibles. L’humain doit y avoir accès pour les analyser, les comprendre, les nettoyer, etc. Avec des données qualitatives, le système d’automatisation sera correctement alimenté.
  • Ensuite, on doit automatiser le prévisionnel de la demande en prenant en compte les faits connus d’avance et en estimant les marges d’erreurs. Au-delà des données exogènes, la prise en compte de cette marge d’erreur nous apportera davantage d’agilité et d’anticipation.
  • L’algorithme doit être plus intelligent et être capable de créer ses propres règles. Par exemple, il doit pouvoir se rendre compte que tel fournisseur peut avoir 3 jours de retard, particulièrement sur ce type de produit, à cette période de l’année, et sur cet entrepôt. Ces règles s’appliquent donc sur les lead-times, mais aussi sur les quantités d’inventaires ou tout type de données qu’il est capable de prendre en compte. Les commandes seront plus fines et plus appropriées.
  • Enfin, cela passe par des dashboards avancés mis à disposition des utilisateurs qui pourront ainsi maintenir un contrôle et un pilotage en continu des indicateurs qui sont importants pour eux.

Ce quatrième degré est donc plus difficile à atteindre. La technologie est prête, les principaux challenges seront au niveau de la génération d’une donnée fiable et de l’adoption de la technologie par les équipes.

 

Quels sont les impacts de la crise sur la productivité des entrepôts et centres de distribution, et sur les coûts de la Supply Chain ?

En effet, la productivité est bien impactée par cette crise.

Cela est d’abord dû à une désorganisation globale de la chaîne : les commandes mettent plus de temps à arriver, on a moins de visibilité, les ruptures et surstocks sont favorisés, etc.
De plus, l’ensemble des mesures barrière mises en place prennent du temps et de l’énergie aux équipes sur le terrain. Cela reste difficile à quantifier car très dépendant de l’organisation physique de l’entrepôt et de la manière dont l’organisation a choisi de maintenir son activité.

On peut cependant anticiper d’ores et déjà un impact sur les coûts. On pense par exemple aux produits pénuriques que l’on doit acheter plus cher, sur les coûts de transports qui ont pu augmenter, sur le matériel relatif aux mesures sanitaires, la baisse du temps de travail, etc.

Mêmes si certains coûts sont incompressibles comme la mise en place des mesures barrière, on peut se prémunir de certaines pertes pour les confinements futurs (qui sont de plus en plus probables) en misant sur les données et l’automatisation, qui libèrent du temps à l’humain pour se concentrer sur les actions essentielles à un moment précis.

#004 : Maintenir son cash et délais d'implémentation de l'automatisation

Quelle stratégie adopter pour maintenir au mieux son cash face aux impacts imminents de la crise ?

La pression cash qui pèse sur les organisations devient en effet énorme. Il faut penser en mode start-up : faire preuve de créativité, d’imagination, et travailler avec des effectifs réduits et peu de cash.

Une première stratégie est de chercher à récupérer du cash, par exemple en soldant le stock vieillissant ou à faible potentiel de vente. Oui, les marges seront réduites, mais en ce moment, le cash prédomine sur les marges. Un autre avantage est que cela va créer de la place dans les entrepôts qui peuvent déjà être engorgés, ou risquent de le devenir prochainement.

Une deuxième stratégie est d’aller jouer sur les coûts et la réduction du stock. C’est le moment pour expérimenter des solutions créatives pour limiter les coûts et les impacts de la baisse de productivité. Il s’agit aussi de s’appuyer sur les données qui témoignent des nouveaux comportements des clients et d’identifier les signaux.

Enfin, il faut faire en sorte de maintenir les stocks à un niveau bas par des investissements technologiques et une évolution des processus.

Le plus urgent reste de s’occuper de ses collaborateurs. Vos équipes ont peut être été séparées pendant plus de 8 semaines, elles ont besoin de se retrouver pour récupérer une dynamique et l’envie de travailler ensemble.

 

Les Supply Chain actuellement faiblement automatisées auront-elles suffisamment de temps pour se renforcer, compte tenu des délais d’un projet d’automatisation ?

Le contexte actuel crée une urgence, et c’est cette opportunité qu’il faut saisir. On sait aujourd’hui qu’il est possible de mettre en place ce genre de projets très rapidement avec une motivation et un engagement complet. On parle alors d’une implémentation en quelques semaines avec des retours en quelques mois.

Ca peut être le moment d’engager les collaborateurs et de fixer des objectifs agressifs pour obtenir des résultats très vite. Ceux qui auront fait preuve d’agilité et de réactivité dans cette période s’en sortiront le mieux.

Même si un projet technologique est très important en terme d’impact et d’implication, deux éléments peuvent accélérer son développement.
Premièrement, le contexte dont nous venons de parler qui pousse les entreprises à s’autoriser de nouvelles choses et à aller de l’avant. Deuxièmement, on sait aujourd’hui mettre en place des solutions sous forme d’amélioration continue. L’important est donc de lancer les choses au plus vite, puis d’améliorer pendant les mois suivants.

Il est dans tous les cas indispensable de fonctionner de la sorte puisque les profils de consommation vont fortement évoluer. Il ne faut pas se baser sur des données figées et passées. Le travail sur ces données est d’ailleurs également un accélérateur pour ce genre de projet.

#005 : Le Machine Learning et le biais humain

Le Machine Learning compense-t-il très nettement le biais humain opérationnel, sachant qu’il est lui-même programmé par des humains ?

En premier temps, rappelons à quoi sert la Machine Learning pour la Supply Chain, c’est à dire, à la prévision de la demande, et au calcul des stocks optimaux.

Jean-Pierre fait référence à une notion importante qui est le biais. Le biais est une erreur systématique, par exemple une surestimation ou sous-estimation systématique d’un phénomène.

On a beaucoup entendu parler dans la presse du fait que les algorithmes de reconnaissance d’image ou d’aide à la décision dans la justice pouvaient présenter des biais, ce qui est en effet un gros problème. Ce qu’il faut retenir, c’est que les biais du Machine Learning ne sont pas dus aux algorithmes, mais aux données elles-mêmes. Ce qui programme un algorithme, ce sont les données.
Ainsi, lorsqu’on met un place un algorithme de Machine Learning pour la gestion de la Supply Chain, l’important est de s’assurer que les données qu’on utilise pour apprendre le passé et bien prévoir le futur soient propres.

Au niveau humain, il faut noter que l’on est nécessairement victimes de biais cognitifs, et le fait de le savoir ne suffit pas à les limiter. Par exemple, si l’on passe nos commandes à la main sur un tableur de plusieurs milliers de références, il est inévitable de créer de biais au bout de quelques dizaines ou centaines de lignes. L’algorithmes, lui, n’est pas soumis à ce type de biais.

Ce qui fait qu’un algorithme peut délivrer des résultats biaisés, ce sont donc les données. Dans le cas de la Supply Chain, cela peut venir des ruptures de stock qui provoquent une baisse des ventes. L’algorithme de prévision de la demande ne doit alors pas tenir compte des ventes effectuées, mais des ventes qui auraient eu lieu sans ruptures. Un autre exemple est l’effet de cannibalisation : si un produit est en promotion, il pourra s’octroyer les ventes d’un autre produit. Ce sont d’autres formes de biais que l’algorithme doit détecter.
Les erreurs peuvent aussi évidemment se trouver dans les données elles-mêmes : des stocks erronés, des ventes qui ne sont pas totalement consolidées, etc. Et également des facteurs externes qui viennent influer sur des comportements d’achat.

En synthèse, l’humain est forcément biaisé dans ses opérations. La machine peut l’être également, si les données dont elle se sert ne représentent pas parfaitement le phénomène réel lors de l’apprentissage. Tout l’intérêt du Machine Learning est qu’il pourra passer à l’échelle sans grands efforts humains.

L’algorithme fonctionne donc en autonomie ?

Le Machine Learning n’est pas complètement autonome. Dans le secteur de la Supply Chain, l’utilisateur garde un travail de vérification macroscopique des résultats. De l’autre côté, le spécialiste en Machine Learning va s’assurer de manière régulière et permanente qu’il n’y a pas de dérives dans les performances.

Le travail du Data Scientist est de surveiller un phénomène très important en statistiques, le compromis biais / variance (variabilité d’un résultat).

 

Comment identifier les facteurs à intégrer dans le moteur logiciel ?

Tout d’abord, l’intégration doit se faire de manière itérative. Si on donne l’ensemble des facteurs possibles d’un seul coup, on ne se sera pas assuré que le socle des données est qualitatif avant de le complexifier. Le point clé dans la méthodologie Machine Learning est d’avancer étape par étape.

On commence souvent par les données obligatoires : les historiques de ventes, les contraintes opérationnelles, etc. Puis, petit à petit, on va injecter dans les moteurs des données qui permettront de mieux appréhender certains phénomènes : la météo, les jours fériés, les vacances, le confinement, les données socio-démographiques, etc. En fonction du métier, on pourra identifier des variables intéressantes propres au secteur concerné. Dans notre premier Petit Dej’ de la Supply, on a vu par exemple que les activités de chasse ont une influence sur la réparation de lignes téléphoniques car des balles endommagent les câbles. On a parfois des surprises, comme dans le jardinage, où la météo n’impacte pas autant qu’on pourrait s’y attendre.

C’est donc vraiment dépendant du métier, et l’idée est d’aller tester chacune de ces données de manière itérative avec un seul objectif : améliorer les prformances du système. Tant que les performances s’améliorent, on continue.

Au-delà du type de données, la qualité des données est également primordiale n’est-ce pas ?

Exactement, si la donnée n’est pas suffisamment précise elle va ajouter du « bruit », donc dégrader le résultat. Lorsqu’on intègre une nouvelle donnée, on s’assure donc qu’elle est suffisamment informative du phénomène.

#006 : Deuxième vague et budgets

Les Supply Chains ont-elles les moyens de se préparer à la probable future seconde vague  ?

Elles en ont non seulement les moyens, mais surtout la responsabilité et le devoir.

La première vague nous a donné beaucoup d’informations et d’éléments qui nous permettront d’être plus efficaces pour la deuxième. Cependant, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers car la deuxième vague peut tout de même nous prendre par surprise.

Une première chose à préparer, est de s’assurer qu’on ait assez de stock de matériel de protection comme des masques ou des visières. On peut parier qu’il sera de nouveau difficile de s’en procurer quand la deuxième vague sera présente.

Une deuxième priorité concerne la notion de scénarios. On doit se demander « Qu’est ce qu’il peut se passer ? » : un département peut se re-confiner, les zones de sourcing peuvent s’arrêter à nouveau, etc. Il faut balayer cet ensemble de possibilités et définir les actions à entreprendre dans chacun des cas. Il faut alors également poser les critères qui vont déclencher ces actions. Dès aujourd’hui, choisissez les indicateurs importants pour votre entreprise, qui pourraient vous donner des informations sur l’arrivée de cette seconde vague, et mettez en vous en veille sur ceux-ci. Des collectifs diffusent des données sur la propagation de l’épidémie, comme le collectif CoData par exemple. Vos données internes et de vos fournisseurs pourront également vous aider.

Pensez-vous que les budgets des projets en cours seront réduits, ou à l’inverse, vont augmenter ?

Evidemment, cela va varier d’une entreprise à l’autre. Globalement, la trésorerie est plus faible qu’avant la crise, ce qui rend les investissements dans des projets Supply Chain encore plus compliqués.

Néanmoins il est essentiel de se projeter et d’imaginer les évolutions qui auront lieu. Etre plus agile, plus à l’écoute des signaux faibles, se rendre plus résilients. Il y a donc inévitablement des projets Supply Chain à mener. Nous conseillons de se focaliser sur des projets à ROI rapide, mais surtout, sur des projets qui inscrivent l’entreprise dans l’avenir et qui sont autoportants financièrement. L’idée est de limiter les dépenses initiales pour les compenser par les gains qui arriveront rapidement.

En collectant la data et en sachant la valoriser, on s’en sortira forcément mieux : en maximisant les opportunités de ventes, en positionnant le stock intelligemment, en gagnant du temps humain. tout cela génère de la valeur rapidement.

La question de budget ne doit pas être abordée avec une approche traditionnelle, mais plutôt en trouvant des moyens de mettre en place des projets qui s’autofinancent par leurs gains.

#007 : Catégorisation des articles et technologies Supply Chain (RFID, Blockchain, 5G)

Comment bien catégoriser ses articles pendant la crise et est-ce que l’IA peut aider ?

La catégorisation des articles de type ABCD est une technique assez ancienne qui permet, pour les équipes commerciales, de savoir quels articles se vendent le plus, ce qui a un intérêt pour la mise en rayon ou l’organisation des entrepôts.

D’autre part, cela permet à la partie approvisionnement de connaître les articles les plus importants. Néanmoins aujourd’hui, l’intelligence artificielle rend moins pertinente l’utilisation de cette classification, puisque le machine learning va calculer la stratégie d’approvisionnement article par article, sans avoir besoin de le catégoriser. Avec l’IA, les catégories sont donc toujours utiles pour les processus de mise en rayon ou d’organisation en entrepôt, mais plus pour l’approvisionnement.

Pendant la crise, les catégories en vigueur ont des chances d’évoluer, même après le déconfinement, puisque les habitudes de consommation ont pu changer. Il faut donc être vigilent et remettre à jours les catégories ABCD.

 

Quel est votre regard sur les autres technologies que l’IA comme la RFID, la Blockchain ou la 5G ?

Ces technologies sont complémentaires à l’intelligence artificielle. En premier lieu, le RFID est devenu courant dans un certain nombre d’entreprises et d’industries. Cela permet de faire des inventaires de stock beaucoup plus facilement, et de tracer un même article de bout en bout de la Supply Chain ce qui est très utiles pour monitorer la qualité. De plus, un avantage énorme est de pouvoir gérer les produits à date de consommation courte de manière beaucoup plus précise.
Néanmoins, le problème du coût des RFID reste majeur et n’est pas encore résolu aujourd’hui.

Passons à la Blockchain. Pour rappel, il s’agit d’une base de donnée distribuée dans le réseau et qui apporte une sécurité imparable. Ce type de technologie peut être intéressant lorsqu’il y a une mutualisation de stock entre plusieurs acteurs qui décident de stocker au même endroit pour économiser. La Blockchain permet de conserver l’information du propriétaire de chaque article de manière fiable, neutre et irréversible.

Pour la 5G, elle permettra d’avoir une qualité de réseau incroyable pour le personnel mobile. Cela apportera beaucoup plus de facilité pour la prise en compte de beaucoup de données sur des applications sur smartphone ou tablette. Les acheteurs pourront aussi avoir toutes les data dont ils ont besoin lorsqu’ils se rendent chez le fournisseur. Ce sera donc une révolution dans les métiers qui ont un usage intensif de données, comme il en existe beaucoup dans la supply chain.

#008 : Recruter un bon approvisionneur et le Bullwhip Effect

Aujourd’hui, quel type de profil recruter pour sa Supply Chain ?

Ce sont des métiers en pleine évolution, notamment les métiers du pilotage de la Supply Chain : les approvisionneurs, demand planners, prévisionnistes, … Historiquement, ces métiers étaient tournés vers les outils bureautique type Excel ou ERP, et qui étaient assurés par des personnes au profil de gestionnaire. Ce mindset reste important aujourd’hui et continuera de l’être, mais l’arrivée des outils de connaissance de la donnée, de BI, du Big Data et l’explosion de la quantité de données disponibles pour la prise de décision, et les outils d’Intelligence Artificielle qui apportent de la valeur en automatisant les tâches répétitives, apporte un profond changement aux métiers.

On recherche aujourd’hui des profils qui sont très à l’aise avec les outils numériques, en particulier donc sur l’aspect données où il est nécessaire d’avoir un esprit analytique. On cherche également un fort intérêt pour le Business, puisque la Supply Chain, au-delà du métier d’approvisionneur, a vocation à être un atout à ce niveau.

En parallèle, la partie communication devient elle aussi de plus en plus importante. La communication avec les fournisseurs qui deviennent des partenaires stratégiques, la communication avec les sites approvisionnés qu’ils soient des entrepôts, des hub ou des magasins, la communication avec le reste de l’entreprise (le marketing, les équipes commerciales,  …). Cette compétence d’efficacité dans la communication devient clé.

Enfin, une caractéristique importante est le leadership, pour avoir un impact sur l’ensemble des fonctions qui sont liées et dépendantes de la Supply Chain.

 

Vers quoi va tendre le métier d’approvisionneur et quelles seront les différences avec le métier d’aujourd’hui ?

L’approvisionneur du futur est de plus en plus un pilote qui réfléchit à la stratégie, et moins à la mise en œuvre technique. Les outils deviennent plus intelligents et sont capables de s’occuper de cette mise en œuvre. L’approvisionneur a également un rôle de contrôleur puisqu’il doit superviser les outils et suivre leurs résultats. Il donne les grandes orientations à la machine en harmonie avec le contexte et les objectifs de l’entreprise entière.

Je suis convaincu que le métier d’approvisionneur va devenir de plus en plus intéressant et recherché.

 

Avec le déconfinement et la reprise économique, on peut assister à des à-coups dans sa Supply Chain qu’on appelle le Bullwhip Effect. Comment aborder ce phénomène et est-il possible de le minimiser ?

Le Bullwhip Effect est la bête noire des Supply Chain complexes depuis longtemps. Quand on est dans un contexte d’incertitude à chaque niveau de la Supply Chain, on se retrouve avec des « coups d’accordéon ». Par exemple, si on lance une promotion dans un magasin, le stock va se vendre plus vite. L’entrepôt, s’il n’est pas assez informé ou n’a pas anticipé, va alors recevoir une demande importante et soudaine, à laquelle il va vouloir répondre en sourcant en conséquence. Le fournisseur va lui-même produire en grandes quantités pour répondre à la demande de l’entrepôt. L’entrepôt va à son tour se retrouver avec un gros stock alors que le magasin est en rupture et que la demande n’est plus nécessairement élevée sur la référence en question.
Cela s’apparente à un embouteillage sur l’autoroute : on avance par à-coups alors qu’on voudrait une circulation plus fluide, comme dans la Supply Chain. Cette fluidité est rendue possible par la visibilité et la communication.

Les outils multi-échelon apportent ces composantes clé. Ils sont capables de faire des prévisions connectées depuis le client final jusqu’au fournisseur. Cela nécessite de mettre en commun toutes les prévisions, c’est la réconciliation, et d’en tirer des conclusions affinées en termes de pilotage des stocks. L’autre bénéfice est que cela va permettre de réduire les quantités de sécurité qui peuvent être surévaluées à chacun des niveaux puisque les acteurs ne communicant pas assez vont souhaiter se protéger. Dès que l’information est commune, chacun sait avec plus de certitude ce qu’il va se passer et peut réduire cette sécurité, ce qui réduit le stock global de l’entreprise et libère du cash.

#009 : Qualité des prévisions et commencer avec les data

Comment mesurer la qualité des prévisions ?

Il est important de garder en tête que la qualité d’une prévision s’évalue au regard de l’utilisation qu’on en fait.

On a souvent tendance à se dire qu’une bonne prévision est une prévision conforme à ce qui s’est réellement passé par la suite. Par exemple, si je fais une prévision des quantités vendues sur les 3 prochaines semaines, jour par jour, sur un certain produit, sur un certain point de vente, je vais comparer dans 3 semaines cette prévision avec ce qu’il s’est réellement passé. On pourrait alors se dire : « La prévision est bonne si, jour par jour, la quantité vendue correspond à la quantité prévue ».
En réalité, ce n’est pas une bonne façon de faire car en Supply Chain, la prévision sert à calculer des commandes, des approvisionnements. Donc ce qui est important, ce n’est pas de comparer les quantités au jour, mais plutôt de comparer la commande effectuée grâce à la prévision et la meilleure commander qu’il aurait été possible de faire à ce moment-là (compte tenu des informations disponibles à cette époque). Je vais donc regarder le cumul de ma prévision de ventes sur l’ensemble de la période à couvrir, c’est-à-dire la période entre la réception de cette commande et la réception de la commande suivante.
Pour résumer, l’erreur est souvent de chercher la meilleure précision jour par jour, au lieu de chercher une meilleure prévision cumulée sur la période à couvrir.

Deuxième subtilité : souvent on ne commande pas à l’unité mais par cartons, palettes, containers ou camions. Ce qu’il faut donc mesurer, c’est le conditionnement en nombre entier dans l’évaluation de la qualité de la prévision, et non pas une quantité de pièces. Un article qui se vend énormément pourra représenter beaucoup moins de commandes s’il est conditionné en grand nombre, qu’un article qui se vend moins mais qui est conditionné en plus petites quantités.

Appliquer ces subtilités fait une différence énorme avec une mesure de prévision moins pertinente.

On peut ajouter que les systèmes les plus avancés émettent les prévisions via des probabilités. Ce n’est pas juste une valeur, mais une distribution de probabilités. La prise en compte de ces probabilités va avoir une influence sur la manière dont on commande, et dont on mesure la qualité de la prévision.

 

Par où commencer avec la donnée ? Comment mettre toutes les chances de son côté afin de réussir le projet ?

La Supply Chain moderne se base en effet en grande partie sur la donnée. Il faut être capable, pour affiner au maximum ses calculs de prévisions et d’approvisionnements, d’utiliser les données de manière efficace.

Par principe, la donnée n’est pas forcément juste. On peut avoir des données erronées (on sait que la donnée d’inventaire ou le délai de lead time sont par exemple partiellement fausses). Une erreur est donc de commencer en prenant directement l’ensemble des données et de les intégrer pour faire de meilleurs calculs d’approvisionnement. En réalité, il faut avancer de manière itérative.

On commence en travaillant avec les données fondamentales (position de stock, historique, quelques événements exogènes, …). C’est seulement lorsqu’on arrive aux premiers résultats en suivant les indicateurs clés (ruptures, disponibilités, …) avec ces données, qu’on pourra alors améliorer. Si les résultats sont bons, on peut penser à ajouter de nouvelles données incrémentalement, sinon, il faut améliorer les données existantes avant d’en ajouter d’autres. La donnée est une matière première qu’il faut travailler et améliorer. C’est un sujet déjà très important dans la Supply Chain aujourd’hui et qui a vocation à le devenir encore plus avec le développement de l’IA.

Si le sujet des données vous intéresse, nous vous invitons à visionner le replay de notre dernier webinar dont elle était le sujet, ainsi que notre tribune « Nos conseils pour mieux utiliser la data de votre Supply Chain » 

#010 : La Supply Chain idéale

Quelle serait la Supply Chain idéale ?

On pourrait évidemment en parler pendant des heures.

Un premier point concerne les hommes et les femmes qui travaillent dans la Supply Chain. Nous leur devons le meilleur job possible. Cela passe par l’amélioration des conditions de travail en entrepôt, mais aussi en centrale. C’est l’un de nos combats chez Vekia d’apporter aux approvisionneurs et approvisionneuses des outils qui leur permettent de mieux faire face à l’urgence, à la pression, aux demandes d’informations. C’est un travail incessant pour parvenir à apporter aux utilisateurs et utilisatrices cette qualité d’outils et de process afin d’être plus performants et efficaces.

Par extension, c’est aussi la mise en place de solutions plus intelligentes. Ce n’est pas forcément très enrichissant de passer des journées à remplir des lignes dans un fichier excel. L’humain est meilleur que la machine sur la stratégie. Pour calculer des commandes, évaluer des prévisions sur des centaines de milliers d’articles et de sites, la machine est meilleure que l’humain. Par contre, l’analyse et la prise de recul sont inaccessibles à la machine qui ne sait pas faire preuve d’intelligence au sens admis pour l’humain. Dans la Supply Chain idéale, les algorithmes et les données seraient largement présents pour décharger l’humain.

Ensuite, la Supply Chain idéale pollue le moins possible. On a tous pris conscience de l’urgence environnementale. Avoir des camions pleins à 60% de moyenne n’est pas acceptable. Avoir des entrepôts qui se construisent à tour de bras et « mangent » la surface agricole ce n’est pas une bonne chose. Avoir des quantités astronomiques d’articles qui vont à la casse car on n’a pas réussi à les vendre, non plus. La Supply Chain doit se transformer et prendre conscience des marges d’optimisation dont elle est capable.

Pour finir, la crise COVID a mis en évidence notre fragilité en cas de zones de sourcing lointaines. Il est peut-être temps de réfléchir à relocaliser la production. C’est un sujet dont beaucoup de personnes discutent en ce moment, et une relocalisation intelligente grâce à des outils de productivité pourrait créer des emplois qui aujourd’hui n’existent pas dans nos régions. Pour moi (Manuel Davy), la Supply Chain idéale est locale et globale à la fois, avec une capacité d’agilité entre le très proche et le très lointain.

 

Manuel, as-tu un mot de la fin pour clôturer cette première saison du Podcast Supply Chain ?

C’est avec un grand plaisir que nous avons accompagné nos auditeurs pendant cette période et enregistré ces podcasts. Nous espérons que ce que nous avons apporté a pu vous rendre service dans vos directions et opérations Supply Chain, que vous avez appris des choses, que ça vous a intéressé et donné envie de creuser les sujets dont nous avons parlé. Ce que je peux dire c’est que la passion qui nous anime pour la Supply Chain reste intacte après ce COVID. Evidemment on n’a qu’une chose en tête c’est de continuer à accompagner les professionnels dans leur transformation pour chaque jour, rendre la Supply Chain plus proche de cette Supply Chain idéale.