Ce n’est un secret pour personne, le rôle de la Supply Chain est de disposer le bon article, au bon endroit, au bon moment, dans la meilleure quantité et au meilleur coût. Il s’agit donc de faire les meilleures prévisions possibles pour son business. Vos opérations doivent être mises en œuvre pour viser cet idéal, et ce en toutes circonstances.
Cependant, la fabrication et le transport instantanés n’existent pas encore. Nous n’avons pas d’autres choix : il nous faut anticiper, prévoir. C’est bien là le plus gros challenge de la Supply Chain : prédire le futur. Ou, en extrapolant, composer avec l’incertitude.
L’incertitude : le boulet de la Supply Chain en 2021 ?
Si nous étions capables d’être certains du futur, la notion de prévision n’aurait plus aucun sens ! L’incertitude est une dimension importante de la complexité que l’on accorde sans peine à notre art qu’est la Supply Chain.
Elle pose de manière induite et immédiate plusieurs défis dont certains constituent le quotidien des équipes :
- Commander les bonnes quantités au bon moment ;
- Calibrer au plus juste les stocks de sécurité pour accéder au triptyque : maîtrise du stock / haute disponibilité / faibles coûts d’exploitation ;
- Jouer sur le prix d’achat au bon moment (favoriser les ventes ou écouler le stock ?) ;
- Savoir réagir aux risques rares mais à fort impact.
Le rôle du prévisionniste a évolué
Chez Vekia, nous travaillons avec la conviction que la réelle maîtrise de l’incertitude passe par un renouveau des rôles d’approvisionneur et de prévisionniste, avec l’appui de la technologie et des algorithmes avancés. Et avec également une gestion du risque qui a lieu très tôt dans les stratégies d’approvisionnement.
Nous avons identifié 2 types d’incertitude : celle qui fait partie du quotidien, et celle exceptionnelle, qui concerne des risques rares à fort impact. Voici nos conseils pour les aborder, les prendre en compte, et les maîtriser, afin d’en faire un atout.
L’incertitude du quotidien dans la Supply Chain
Il y a d’abord l’incertitude du quotidien. C’est la « gentille », celle contre laquelle on a l’habitude de jouer chaque jour, notre vieil ennemi qu’on connait mieux d’année en année. On est capable de l’évaluer grâce au passé, et donc de prévoir avec une marge d’erreur connue et réduite.
« Gentille » … oui et non. En toute relativité, cette incertitude pose encore de gros problèmes à beaucoup de Supply Chains qui n’ont pas su prendre le virage technologique à temps. C’est avec une approche basée sur la data, des prévisions affinées, et une amélioration continue qu’elle devient abordable.
Elle se matérialise par des inconnues prévisibles :
- La demande future, pas parfaitement connue mais estimable avec de faibles marges d’erreur grâce aux technologies prédictives ;
- Les quantités commandées, qui ne seront peut-être pas 100% correspondantes à celles qui seront réellement délivrées ;
- Les délais anticipés, qui pourront subir des fluctuations ;
- Le stock « connu », qui est peut-être inexact dans une certaine mesure à cause d’erreurs d’inventaires ou de données ;
- Etc…
Par ailleurs, plusieurs informations sont certaines dans dans la grande majorité des cas (sauf, là encore, en cas d’erreur de données), comme le franco, le conditionnement, ou le lieu de livraison.
Ces variations possibles, qui sont des « écarts » à une situation future « nominale », doivent être prises en compte dans la stratégie de réapprovisionnement. Par exemple, en établissant un stock de sécurité, prévu pour encaisser ces écarts sans risquer les ruptures.
Maîtriser l’incertitude du quotidien dans la Supply Chain
Voici ce que vous pouvez mettre en place pour maîtriser l’incertitude du quotidien dans la Supply Chain :
- Un historique le plus complet possible afin de pouvoir identifier les causes d’une situation qui différerait des prédictions ;
- Des données fiables sur l’avenir (dates de jours fériés, de congés scolaires, de fermeture annuelle des fournisseurs, etc.), pour prendre en compte l’incertitude liée à chaque information dans les prévisions ;
- Des algorithmes statistiques ou de machine learning qui permettent de faire des prévisions car ce futur incertain ressemble souvent à ce qui s’est déjà produit (au sens statistique). Les probabilités sont le seul outil humain qui permet de bien quantifier l’incertitude ;
- Une gestion multi-échelon, pour éviter de prendre des sécurités redondantes, contre-productives, et chères ;
- Les algorithmes d’optimisation dynamique, qui calculent des commandes et des stocks de sécurité en intégrant l’incertitude.
Réduire les marges d’erreur des prévisions grâce aux probabilités
D’autre part aujourd’hui, les technologies avancées existantes ont la capacité d’assimiler l’incertitude du quotidien et de la réduire à des niveaux pouvant la rendre négligeable. Ces nouvelles possibilités sont accessibles grâce aux algorithmes qui tirent pleinement parti des données de la Supply Chain ou exogènes. L’utilisation autonome de statistiques et de probabilités permet de réduire les marges d’erreur des prévisions. Mais également de calibrer automatiquement les stocks de sécurité en combinant toutes les marges d’erreur estimées. Les commandes proposées intègrent alors naturellement toutes les inconnues prévisibles listées plus tôt.
L’humain garde évidemment un rôle prépondérant dans l’approvisionnement, même en cas d’utilisation d’un système d’automatisation. Ils travaillent en réalité de pair. L’humain conserve une expérience et des connaissances que la machine ne possède pas. Il confirme les choix de l’algorithme et garde le contrôle sur les propositions qui lui sont faites. D’autre part, il a plus de temps à consacrer à la supervision, l’amélioration, et la communication avec ses collaborateurs et ses fournisseurs.
Enfin, il est important de prendre en compte le plus de contraintes possibles dans les décisions et les auditer régulièrement. Conditions d’achat, localisation des stocks des fournisseurs, implantation des plateformes logistiques, etc… Sont-elles pénalisantes ? Justifiées ? Négociables ? Améliorables ?
C’est en menant ces différents chantiers que l’incertitude pourra évoluer vers la certitude du quotidien. Revenons à la réalité directement puisque la prochaine partie coupe court à toute possibilité que ce rêve se réalise.
L’incertitude exceptionnelle dans la Supply Chain
La notion d’incertitude exceptionnelle est plutôt simple à comprendre mais elle est bien plus complexe à maîtriser que sa « gentille » homologue. On ne peut pas l’évaluer grâce au passé car elle concerne un risque peu probable et rarement voire jamais rencontré. Cependant elle a toute sa place dans votre stratégie d’approvisionnement car elle porte sur des événements à fort impact.
Elle se matérialise donc par un futur inconnu et difficilement prévisible. Voici des exemples de risques pour lesquels nous avons une incertitude exceptionnelle :
- Pandémie comme COVID, SRAS, H1N1, H5N1, etc. ;
- Catastrophes naturelles : Tsunami, Fukushima, Volcan Islandais, séismes ;
- Tensions géopolitiques : guerres de textes douanières, relations politiques comme entre les USA et la Chine plus tôt cette année, les producteurs de pétrole changent la donne, voies maritimes qui peuvent être changées, etc. ;
- Événements sociaux et politiques : grèves, blocages, etc. ;
- Risques liés à l’appareil de production : casse d’une machine, entrepôt inutilisable, etc. ;
- Problèmes de sourcing / tension sur la chaine amont / matières premières.
Que ce soit incertitude quotidienne ou exceptionnelle, en réalité, il n’y a toujours qu’une seule et même manière « rationnelle » d’y répondre. Envisager des scénarios, leur probabilité, puis prendre la décision qui minimise les coûts associés. La différence entre les deux situations est de deux ordres.
Pour l’incertitude quotidienne, on peut laisser des algorithmes élaborer des scénarios et des probabilités. Ce n’est pas le cas dans le cas de l’incertitude exceptionnelle, c’est à l’humain de prendre le relais !
Très peu d’outils offrent la gestion de l’incertitude exceptionnelle
D’autre part, les outils de Supply Chain Management intègrent plutôt bien la gestion de l’incertitude quotidienne « nativement ». En revanche, dans la situation exceptionnelle, très peu d’outils offrent la souplesse nécessaire pour permettre cette interaction avancée entre les humains et le reste : saisie « massive » de scénarios et de probabilités, simulations « what if… » etc.
Afin d’intégrer au mieux l’incertitude exceptionnelle, listez d’abord les risques qui s’appliquent à votre Supply Chain. Evaluez empiriquement leur probabilité et leur impact. Le plus haut risque est ce qui a le produit probabilité*impact le plus élevé.
- Dans votre évaluation de l’impact, rappelez-vous que l’humain sous-estime presque toujours les répercussions des situations graves ;
- L’évaluation de la probabilité sera complexe : comment estimer la probabilité d’un événement qui ne se produit presque jamais ? Si vous le pouvez, analysez le passé. Quoi qu’il en soit, restez en veille sur ces sujets et organisez des sessions d’échange en mode « désaccord constructif ».
Créer des scenarii par type de risque
Puis, créez des scenarii par type de risque en privilégiant les risques les plus forts.
- Décrivez le scénario de survenue des risques. Par exemple « Au mois de février, début de pandémie, puis confinement en mars et retour à l’activité en mai » ou « Incendie chez un fournisseur d’un composant indispensable à la fabrication » ;
- Simulez le plan pour confirmer son effet ;
- Identifiez les effets cascade :
- Décrivez la réaction = le plan (KISS) : prévenir le risque pour en éviter la survenue, le gérer au moment où il se produit pour en limiter l’impact, piloter le retour à la normale ;
- Simulez le plan pour confirmer son effet ;
- Se rappeler que les accidents arrivent lors du cumul de 2 risques ou plus ;
- Gardez en tête que 2 risques peuvent survenir en même temps et se cumuler.
- En établissant des scénarios qui vont du « pire » au « meilleur », vous pourrez mieux anticiper tout type de risque, vous entraîner et préparer vos stratégies d’urgence.
Comme on vous le disait, travail complexe ! Il nous semble pertinent de spécialiser et mobiliser une partie de vos ressources sur ce sujet d’évaluation et de gestion des risques, afin de tenir à jour les scénarios, leur évaluation, préparer les plans d’actions les plus probables et réaliser des tests de PRA et PCA.
Enfin, pour aller au bout des choses, vous pouvez intégrer le coût induit par le risque au prix d’achat net fournisseur ramené à chaque article.
Le déploiement de systèmes d’automatisation est d’une grande d’aide, non seulement dans la gestion de l’incertitude quotidienne comme nous l’avons vu, mais également pour l’exceptionnelle. Les équipes délèguent à la machine la mise en œuvre détaillée, se concentrent sur l’analyse macroscopique (similaire aux systèmes d’aide à la conduite), et ont une remontée de données fiable.
Nous nous sommes concentrés sur les risques, mais n’oubliez pas les opportunités ! Il convient de les traiter sous forme de scénarios, tout comme pour les risques. Elles peuvent concerner un besoin nouveau et rapide sur certains types de produits, l’évolution d’un fournisseur qui réduit les délais de livraison, ou des éléments de la matrice PESTEL par exemple.
Conclusion
Comme nous venons de le voir ensemble, l’incertitude est un sujet complexe mais qui mérite d’être intégré dans vos stratégies Supply Chain afin de la rendre plus robuste et plus résiliente aux imprévus, en approvisionnant avec plus de justesse.
En effet, l’incertitude du quotidien, celle avec laquelle vous composez chaque jour, est aujourd’hui abordable grâce aux outils d’automatisation probabilistes qui l’intègrent nativement dans leurs prévisions et leurs propositions.
Enfin, cette année 2020 est malheureusement une preuve d’envergure mondiale que l’incertitude exceptionnelle mérite votre attention et peut avoir d’immenses répercutions sur la santé de votre Supply Chain et de votre entreprise.
Réduire votre Supply Chain en la relocalisant pour limiter les facteurs d’incertitude est un axe de réflexion que vous pouvez envisager. Pour le reste, comme nous l’avons dit, formez une équipe dédiée au sujet, et c’est parti !